Debout près du daim qu’il vient d’abattre, Merthe jette un regard soucieux vers le ciel. La pose des pièges et la chasse l’empêchent de s’entraîner depuis quinze jours. Aujourd’hui c’est trop tard : il est trop loin de chez lui. Alors il charge sa proie sur son épaule et prend le chemin du retour. Sous ses bottes, la neige crisse tel un tissu amidonné. Jeune fille, il connaissait une douzaine de noms pour ses divers types, tous empruntés à un livre de recettes : crème fouettée, crème brûlée, soufflé…
Le daim est tout petit. Ita va s’en plaindre. Elle ne se fie à Merthe que s’il abat une journée de travail. Il doit prouver qu’il n’a pas lambiné ou, pis, qu’il ne s’est pas entraîné pour la Lutte. Comme s’il négligeait de nourrir les siens ou de songer à leur avenir avant tout ! Il jure tout bas. Cinq ans en homme, c’est trop. Il se promet de ne plus perdre, même s’il doit consacrer tout son temps libre à s’entraîner.
À son arrivée, les enfants accourent en criant. Il les laisse tirailler sa barbe et essaye de les serrer tous ensemble contre lui. Même s’il garde le souvenir de leur avoir donné le sein, il les sent qui s’éloignent. Pour eux, il représente tantôt la figure d’autorité, tantôt le bon géant. Le clown. Ils viennent jouer avec lui, mais, si la blessure est profonde, c’est vers leur mère qu’ils se tournent.
« Tu as chassé, au moins ? » demande Ita.
Merthe se borne à acquiescer. La chair a eu tout le temps d’imprimer son mode dans l’esprit qui est le sien. Le silence masculin lui vient aisément désormais ; il communique avec délectation par des grognements, ou des baisers. Sa femme déteste ça ; par conséquent, il se montre parfois plus disert, au prix d’un effort, mais aujourd’hui il n’en a aucune envie. Tout motif d’irritation la troublera peut-être. Elle a remporté la Lutte cinq années d’affilée. Il a besoin du plus d’atouts possible.
Il fait un clin d’œil aux enfants et, d’un coup de menton, indique le garde-manger. Ils rapportent le daim, à six ; les bambins y contribuent en gênant les plus grands. Serga, l’aînée qui a bientôt dix ans, néglige de se joindre au groupe. Il se demande parfois si eil se rappelle sa première mère — Merthe dans le corps d’Ita. Il craint qu’eil n’en garde aucun souvenir : eil était très jeune quand les deux adultes avaient échangé. Pourtant, eil le dévisage d’un air compréhensif, voire avec pitié. Il frissonne.
Ita s’active, et il se laisse servir. Dans la tiédeur de la hutte d’hivernage, les enfants ne tardent guère à ôter leurs vêtements chauds. Les habits de Merthe s’ouvrent telle une coque brisée, révélant des pieds en passe de dégeler et une large poitrine qui a perdu son bronzage estival. Il adresse des regards entendus à Ita ; elle finit par consentir à l’imiter. Depuis qu’elle occupe ce corps, elle a pris un peu de poids. Ses bras bien modelés semblent des plus doux, mais Merthe ne se laisse pas abuser : d’expérience, il sait les dégâts qu’ils infligent durant un combat. Toute en hanches et seins, elle va et vient d’une démarche souple. Les bambins la suivent, leurs yeux et leur bouche dessinant des O. Pour sa part, il la dévore du regard, déguisant un désir sous un autre. Ah ! Par les dieux, se retrouver dans ces hanches, habiter cette chair de nouveau ! Sa peau reste élastique et, sur son ventre, les marques de grossesse s’étirent fièrement, qui pour certaines sont dues à Merthe, quand il a porté Serga et Ramir.
Elle remplit le bol qu’il tend, puis se penche pour souffler à son oreille : « Ce corps te plaît ? Rince-toi l’œil tout ton saoul : tu ne risques pas de t’y enfouir avant longtemps. »
Il l’empoigne par la taille, l’allonge de force et lui mange la bouche, pesant de tout son poids, de toute sa force. Elle halète, surprise. Les enfants rigolent : androgènes à cet âge, ils ne peuvent pas déchiffrer ce que cache cette mêlée entre homme et femme.
Elle rit à l’unisson, et les côtes de Merthe s’entrechoquent avec les siennes. Il la laisse se redresser sur son séant — les enfants ne dorment pas encore — et lui mordille l’oreille.
« Je m’y enfouirai sous peu, chérie », murmure-t-il sans préciser sa pensée.
Les semaines qui précèdent la Lutte passent si vite que Merthe se demande s’il vieillit. Le temps paraît toujours s’accélérer à mesure qu’on avance en âge. Trois jours avant la rencontre, à l’aube, Elgir s’approche de leur hutte. C’est leur plus proche voisin, mais Merthe ne le connaît pas bien. Au sein du Peuple, on ne se côtoie guère. Les chasseurs ont besoin d’espace et la mécanique des sexes engendre souvent des conflits domestiques. Personne n’aime vivre à proximité de voisins bruyants.
Il rampe hors de la hutte sans réveiller Ita, puis les deux hommes se rendent dans le garde-manger. Ni l’un ni l’autre ne sait quoi dire.
Il offre à Elgir une tasse de thé.
« Tu ferais une femme très fréquentable, dit son voisin.
– Je faisais une bonne épouse, grommelle-t-il.
– Ah ! J’oubliais. Les deux premiers sont de toi, non ? »
Merthe met une seconde à comprendre que l’autre parle des enfants, puis il hoche la tête afin de dissimuler sa honte. Il a du mal à envisager de ne pas récupérer ce corps. Et tout le village sait à quel point il y tient. Il se maudit. S’il pouvait donner l’impression qu’il s’en fiche, ce serait beaucoup plus simple.
« Ne culpabilise pas, reprend Elgir. Elle est si douée qu’elle fait peur. »
Ce dernier n’a pas grand-chose à craindre. Il peut vaincre sans peine sa partenaire, Samo. De petite taille, elle possède des réflexes assez lents. Elle n’occupe un corps de femme que depuis un an. Homme, elle s’appuyait sur ses muscles, au point qu’elle n’a jamais acquis de la technique. Face à sa stature, on admet sans mal que l’habitant de ce corps puisse se montrer trop confiant. Il paraît capable d’abattre un arbre d’un simple revers de main.
« Comment ça se passe, chez toi ? » demande Merthe.
Ce doit être difficile pour Samo d’anticiper la défaite. En femme, Elgir faisait une formidable combattante. L’agilité qui aujourd’hui handicape Samo constituait un avantage lorsqu’Elgir contrôlait ce même corps. Merthe se rappelle le coup de pied roulé particulièrement impressionnant qu’une Elgir femelle avait décoché, trop rapide pour qu’on le voie. Cette légèreté lui manque. Certains jours, il se déplace avec la grâce d’un ours.
« Samo ne veut pas perdre, répond son voisin.
– Comme tout le monde, non ? »
Un instant, Elgir soutient son regard. « Non. Certains aiment être hommes. Et d’autres se fichent de l’issue. »
Merthe rougit — chacun ses goûts, mais il y a des choses qu’on dit rarement en public. Tous deux baissent la tête.
« La mousse est épaisse cet hiver, reprend l’autre.
– Oui. Il va faire froid tôt. »
Il règne un tel silence que Merthe entend la neige tomber.
« Allons chasser ensemble, veux-tu ? propose Elgir. Si on attrape une grosse proie, on la partage. On fera plaisir à nos épouses et on aura quand même le temps de s’entraîner. »
Merthe sait qu’Ita ne sera jamais d’accord. Il rentre donc prendre ses affaires et repart avec son voisin avant qu’elle puisse élever une objection.
Ils voient un écureuillidé gravir les digues afin d’aller de mare en mare. De ses pattes avant, il creuse la neige pour récupérer les noix enterrées durant la saison précédente. S’il n’atteint que la taille d’Émé, le cadet de Merthe, ce dernier sait bien qu’il possède une chair grasse, propre à épaissir un ragoût : une bonne prise, même si leurs épouses se plaignent de n’en obtenir qu’une moitié chacune.
Mais au moment de jeter sa lance, Elgir se fige. L’heure n’est pas aux questions : l’autre homme décoche sa flèche dans l’air qui a un goût de glace sucrée. L’écureuillidé s’effondre.
Merthe s’interroge sur l’hésitation de son voisin, tandis que celui-ci va ramasser l’animal mort.
« Joli coup. » Elgir lui flanque une bourrade à l’épaule. « Il paraît qu’on n’oublie pas plus comment être un homme que comment téter au sein, mais on dirait bien que j’oublie à chaque fois. Un an ne suffit pas à tout réapprendre. Je suis restée femme trop longtemps, auparavant… »
Merthe s’en souvient. La saison dernière, Elgir n’a perdu qu’à cause du rhume bleu qu’elle avait attrapé. Elle a failli y laisser la vie — sortir vaincue de la Lutte n’était rien à côté. Tout le monde se demande encore pourquoi les adversaires n’avaient pas reporté leur combat. Samo tenait-il donc tant que ça à l’emporter ?
« Dans ce cas, pourquoi veux-tu rester homme ? » La question peut passer pour osée ; Merthe espère qu’il a vu juste. Mais l’intuition n’est pas réservée aux femmes.
« Ce n’est pas que je… » Elgir s’interrompt et le silence abrupt rebondit sur les sapins saupoudrés de neige. Les deux hommes dénichent une clairière et déballent leur pain et leur fromage. Le fromage ne sent rien. Merthe le renifle, le tâte du bout de la langue.
« C’est bon, dit Elgir.
– Oui. J’aimerais pouvoir le sentir comme ma… comme les femmes le sentent.
– Ça ne ferait guère de différence. C’est l’odeur qui fait l’essentiel du goût. Ce fromage est bon parce qu’épicé, mais son parfum est plutôt fade. Crois-moi. Je me rappelle.
– Pourtant, Ita…
– Elle se paye ta tête. Ce fromage ne sent rien. »
Merthe la maudit et entame son repas. Puisqu’il ne sait même plus ce qu’être une femme implique, pourquoi désirer le redevenir ? Non, il se raconte des histoires : même s’il a oublié les détails, l’impression d’ensemble reste familière. Il se rappelle l’année initiale, après qu’il a vaincu sa première partenaire. Les parfums prégnants, la peau si délicate qu’elle réagissait à la plus douce des brises, la caresse du soleil… Il a entendu parler de ces hommes et de ces femmes, au sud, qui n’échangent jamais leurs corps, qui se limitent à un seul sexe durant toute leur existence. Parfois, aux heures les plus sombres, il envisage de les imiter. Ces mâles y parviennent — pourquoi pas lui ?
Mais ils ont la chance d’ignorer ce qu’ils ratent : le ventre qui s’arrondit dans la plénitude de la grossesse, la sensation du lait tiré de la mamelle. L’odeur véritable de l’oignon qui cuit.
Il revient à la question cruciale. « Qu’est-ce qui te motive, alors ? » Qu’Elgir prenne le sujet à la légère le rend soudainement furieux.
« J’aime être femme, concède celui-ci. Et être homme. Et alterner. Au fond, tout vient de là, non ? Ça nous permet de mieux comprendre l’esprit de l’autre. Par souci d’équilibre, d’égalité. C’est pour ça que nos femmes sont d’une rapidité incroyable, et plus fortes que celles du sud. Les avantages et les défauts se neutralisent. Les échanges de corps n’étaient pas censés causer la discorde.
– Un argument théologique fascinant. Peut-être que si on prie avec assez de ferveur, on pourra tous devenir femmes. Qu’est-ce que tu en penses ? »
Elgir recrache du lait pailleté de glace par les narines. Ses yeux s’emplissent de larmes. Il rit, mais Merthe se demande s’il ne pleure pas aussi.
« Peu importe le corps qu’on occupe. Oui, c’est génial d’être une femme les premiers mois qui suivent la transition, mais, au bout d’un moment, on s’habitue et on n’utilise plus nos sens exacerbés — réels ou supposés. Ces fameux sens opèrent par comparaison : si toutes nos passions sont fortes, l’intensité relative diminue, comme si elles s’affaiblissaient toutes. Voilà pourquoi ces échanges fréquents se tiennent : ils ravivent la puissance des sentiments. Passer du temps en homme permet d’apprécier les plaisirs plus subtils.
– Qu’est-ce que Samo pense de tout ça ?
– Elle me prend pour un demeuré. »
Tous deux s’esclaffent.
Puis Elgir cesse de rire pour fondre en larmes. Des larmes d’homme, paisibles, sans chichi. Mais il n’essaie pas de les cacher. Merthe voudrait qu’ils soient femmes : il leur suffirait de s’étreindre, de sangloter de concert et, ensuite, de rire de leur bêtise. Il aime les larmes d’Ita, qui n’ont rien de contrit et tout d’arbitraire : une averse matinale pour le motif le plus anodin, ou un orage qui lui fait regretter d’être né. Les femmes ont l’habitude des sanglots. Elles en usent pour communiquer. Les hommes se contentent de pleurer.
Mais Elgir se serre contre lui et sèche ses larmes entre ses bras.
« Qu’y a-t-il ? lui demande Merthe.
– Samo n’aime pas être homme.
– Moi non plus. Il faut juste qu’elle s’y habitue et… »
L’autre ferme les yeux et secoue la tête.
« Qu’y a-t-il ? répète Merthe. Qu’y a-t-il ?
– Ça ne lui réussit pas. Du tout. Elle… il… est en colère. Tout le temps. »
Ça semble plus grave qu’un simple désaccord. « Pourquoi ne pas être parti, alors ? » s’enquiert Merthe, perplexe.
Mais il connaît la réponse à sa question : de même que lui n’a pas divorcé d’Ita, son voisin a cru que tout s’arrangerait. Il a espéré un changement. Les enfants restent avec la mère.
« Que fait-elle… fait-il… au juste ?
– Il est violent. » Elgir se remet à pleurer. Confus, Merthe le regarde. Même dans un corps d’homme, Samo n’est pas de taille. Jamais elle ne pourrait le maltraiter. « Pas envers moi », précise l’autre en gémissant.
Il pleure de honte, comprend alors Merthe. « Les enfants, devine-t-il. En homme, il battait Tine et Vis.
– C’est pour ça que je l’ai laissé gagner l’hiver dernier. Je croyais qu’une fois redevenu femme, il arrêterait. Ça a aidé, au début. Mais hier soir, j’ai remarqué un bleu sur le bras de Tine. Eil jure qu’eil est tombée d’un arbre, mais ils sont tous les deux drôlement silencieux en présence de leur mère. Peut-être que je me fais des idées.
– Elle les bat encore ? Qu’est-ce que tu fiches ici, qu’est-ce qui te prend de les laisser avec elle !? » Merthe se lève. Il va et vient, en se demandant s’il doit frapper Elgir ou courir chez celui-ci pour sauver ces enfants de leur mère. L’autre l’empoigne par le bras, mais il se dégage. « Comment as-tu pu laisser une chose pareille arriver ? crie-t-il. Il te suffisait de t’adresser aux anciens. Ou même de la quitter sans leur approbation. D’enlever les enfants, s’il fallait en venir là ! Comment as-tu pu ? Comment as-tu pu ? » Il charge son sac sur son épaule et prend le chemin de sa maison, en oubliant l’écureuillidé. Elgir lui court après et, comme il ne s’arrête pas, le plaque.
« Arrête. Écoute-moi. » Quand Merthe cesse de résister, il répond moins à cette injonction qu’au fait que l’homme qui le cloue au sol pèse deux fois son poids.
« Je vais sauver ces gamins, je te le promets. Les protéger de Samo, même si je dois y laisser ma peau ! Mais je préfère jouer serré. Tu connais les anciens : avant de prendre leur décision, ils hésiteraient et discutailleraient des mois entiers, des mois pendant lesquels les gosses se retrouveraient seuls avec Samo. Une Samo furieuse de l’humiliation publique. Je leur ai fait défaut comme père et comme mère, et je ne veux plus commettre la moindre erreur. »
Elgir allège sa pression, sans lâcher son compagnon. Les deux hommes se redressent sur leur séant, mains sur les bras de l’autre dans une posture qui pourrait devenir une prise.
« Qu’est-ce que tu vas faire, alors ?
– Je vais gagner. Gagner, puis partir. Et je prendrai les enfants avec moi. »
Merthe le lâche. Assis dans la neige, il s’avise que, même si voir Tine et Vis passer la semaine avec Samo lui déplaît, Elgir a raison : récupérer son corps de femme lui donnera le droit d’emmener ses enfants à sa guise. On en plaindrait presque Samo, qui leur a donné naissance.
« Tu as un point de chute ? De la famille pour t’aider ?
– Je m’en inquièterai plus tard. »
Merthe se jure de s’ôter le pain de la bouche plutôt que de laisser les enfants d’Elgir crier famine. Il est bon chasseur ; il peut nourrir deux maisonnées. Ita devra s’en accommoder.
Ce n’est qu’une fois rentré chez lui qu’il s’en souvient — pour l’année à venir, il compte bien ne plus être chasseur.
Serga l’accueille sur le seuil et Merthe met un moment à comprendre pourquoi ça le surprend. Il y a longtemps qu’eil n’a pas jugé bon de venir à sa rencontre en compagnie des autres enfants. À cet âge-là, on ne suit plus son père comme un petit chiot.
Eil veut quelque chose. C’est d’un œil impatient qu’eil le regarde poser son attirail de chasse et aller au garde-manger nettoyer l’écureuillidé. Eil ignore même la demi-carcasse, alors qu’eil est capable de jeter à son père des regards aussi méprisants (et aussi efficaces) que sa mère.
Merthe ôte son manteau, puis il s’assoit à la table pour le dépeçage. Serga l’observe sans réagir jusqu’à ce qu’il lui désigne le ventre de l’animal. Il y a du travail pour deux.
Eil hésite. Du coup, il se demande s’il vient de l’insulter en lui offrant une tâche d’homme : aucune femme n’accepte de toucher un animal s’il n’a été nettoyé, et les adolescents aiment à se considérer comme des femmes. Mais eil tire son propre couteau de son tablier et s’assoit en face de lui.
« Ça y est, murmure-t-eil. C’est arrivé. »
Il réprime un sursaut et lale toise discrètement. Oui, il y a un corps d’adulte sous ces habits chauds. Il ne s’attendait pas à ce que ça se produise si tôt, mais il savait bien que ses enfants allaient grandir. Serga est assez âgée pour avoir ses premiers sangs.
« Tu l’as dit à ta mère ? » Il n’a pas plus tôt posé cette question qu’il le regrette. C’est lui qu’eil vient voir, et non Ita. Il ne doit pas lale repousser.
Eil secoue la tête.
« L’autre chose aussi ? Ou tu n’as eu que tes règles ? » Certains adolescents n’ont d’érection que deux ans après les premiers sangs.
Trop brusque. Serga grimace. Il dissimule un sourire.
« L’autre chose aussi… je crois. »
Merthe grommelle pour indiquer qu’il comprend, puis il attend.
« Qu’est-ce que je fais, alors ? » Eil jette son couteau qui atterrit avec bruit sur le plancher. L’air apeuré, eil dévisage son vis-à-vis. On ne traite pas de la sorte une bonne lame. Mais Merthe se contente de ramasser le couteau et de l’essuyer sur son pantalon avant de le lui rendre sans lale gronder.
« Tu n’as pas à Lutter cette saison, ni même la prochaine, murmura-t-il. Tu peux rester notre enfant quelque temps, si tu veux. » Il lui pose la main sur l’épaule.
Serga hoche la tête et lisse son tablier.
« Mais pourquoi je dois Lutter ? Pourquoi je ne peux pas rester comme je suis pour toujours ?
– La Lutte, c’est amusant. Tu aimeras.
– Et si je ne vaux rien ? Si…
– Ce n’est pas grave de perdre.
– Mère dit…
– Ta mère est une femme très douée, mais, pour certains trucs, elle se comporte comme une parfaite idiote. » Merthe se demande si c’est lui qui parle, ou Elgir. « Elle est si fière de gagner qu’elle fait comme si perdre importait beaucoup. Une année tu gagneras, l’autre tu perdras, et, de toute façon, tu en éprouveras de la satisfaction. Tu aimeras tes enfants, la personne qui partage ta vie, la bonne nourriture et les habits soyeux. Les différences se résument à de simples détails. »
Un pieux mensonge, mais il a prononcé les mots avec un tel aplomb qu’il leur trouve un accent de vérité.
Elgir et Samo s’affrontent les premiers à chaque saison et leur combat influence les suivants. Merthe s’interroge : que donnera la Lutte lorsqu’ils ne seront plus la paire initiale ?
La rencontre ne dure guère. Elgir paraît trop triste pour livrer un bon spectacle. Samo se jette sur lui, rendue floue par la vitesse, et, comme d’habitude, les spectateurs mâles halètent de surprise.
Elle a tiré des enseignements de ses échecs. Elle ne tient pas en place ; un coup ponctue chacun de ses mouvements. Elgir, le visage de granit, encaisse sans broncher. Peut-être compte-t-il gagner à l’usure.
Soudain son bras se détend et s’écrase sur la poitrine de sa femme qui part à la renverse. Il accompagne et amortit sa chute dans une étreinte ferme.
Ils restent enlacés plus longtemps que nécessaire, après que la cloche a sonné, que les vivats se sont tus, que Samo a arrêté de se débattre dans sa rage et sa frustration, et que les enfants ont cessé de brailler. Il s’agit de leur dernière embrassade ; il la fait durer. Elgir aime ainsi : avec ferveur. Malgré l’impensable, il ne supporte pas de la lâcher.
Une fois que la foule ne s’intéresse plus à eux, il presse ses paumes contre celles de Samo. Merthe sent ses propres pores s’ouvrir en sympathie — les petits orifices spirituels par lesquels l’échange s’opère. Cela demande une seconde à peine, mais il sait que tous deux ont senti leurs esprits s’unir pour l’éternité.
Voilà, c’est fini. Samo, dans son nouveau corps masculin, repousse son vainqueur si fort que Merthe tressaille. Elgir se relève, portant ce corps avec la grâce que l’autre n’a jamais atteinte, hoche la tête en un dernier salut et siffle les enfants. Même Samo doit bien savoir qu’ils ne reviendront pas à la maison.
Ce soir-là, Merthe rapporte une moitié de nmé. L’oiseau est tout décharné, Ita devra rajouter de la saucisse au ragoût, mais nul n’aura faim — ni Ita et leurs enfants, ni Elgir et les siens. La chasse, c’est une question de chance. Parfois on en a, parfois on n’en a pas.
Quand sa femme voit le nmé, elle pâlit, et Merthe s’attend à un sermon sur la responsabilité, mais Ita est trop furieuse pour le tourmenter ou le railler. Il ne l’a jamais vue dans un tel état. Elle regagne la maison comme un ouragan tandis qu’il va dans le garde-manger pour nettoyer l’oiseau.
Le dîner se déroule en silence et Ita envoie les enfants au lit bien avant l’heure. L’un des plus jeunes geint, mais Serga l’interrompt d’un pinçon que Merthe fait semblant de ne pas voir. Il est trop fatigué pour entamer une dispute avec eil, par-dessus le marché.
« Qui est-ce ? chuchote Ita une fois les enfants couchés.
– Hein ?
– Ne te fiche pas de moi, Merthe. Qui est la femme que tu fournis en viande ? Une viande que tu retires de la bouche de tes enfants ! »
Il s’esclaffe. « Ce n’est pas… Je ne…
– Ne me raconte pas que tu as encore chassé avec Elgir ! C’est une femme, maintenant. Samo peut s’en charger pour elle. Je me demande pourquoi je t’ai cru la première fois ! Les hommes chassent seuls. Mais j’étais naïve…
– Ce qui te dérange, Ita, ce n’est pas cette autre femme avec laquelle tu m’imagines. Non, c’est ton foutu garde-manger ! Pour l’amour des dieux, il déborde de nourriture. Tu la distribues pour éviter qu’elle pourrisse avant qu’on puisse la bouffer ! Tu me vois comme ça ? Comme le balourd qui vous remplit l’estomac ? »
Ita ouvre la bouche pour répondre, mais ne parvient qu’à hoqueter. Elle attrape son manteau. Un hiver polaire se rue dans la maison quand elle ouvre la porte. Ce froid glacial dérobe son souffle et son entendement à Merthe qui met une seconde à réagir avant de se lancer à la poursuite d’Ita, vêtu en tout et pour tout de sa couverture.
Dehors, la neige monte jusqu’aux genoux. Sa femme est pieds nus. Il la soulève à bras-le-corps pour l’extraire d’une congère et la jette sur son épaule. Elle ne résiste pas.
« Espèce d’idiot, tu ne vois pas que je fais ça pour toi ? lui crie-t-elle à l’oreille afin de couvrir la plainte du vent. Tout le monde le sait : tu es si bon chasseur que j’ai de la nourriture à revendre. Ma mère, les voisins… Tant que mon garde-manger déborde, personne ne s’avise de remettre en question notre mariage. Chaque fois que les vieilles biques au marché se mettent à raconter que je devrais me dénicher un Lutteur plus fort, je leur donne de la viande et des peaux. Ça leur cloue le bec. Elles arrêtent de cancaner, du moins en ma présence. »
Merthe ouvre la porte d’une poussée, puis tape des pieds jusqu’à les réveiller. Ne sachant quoi penser et encore moins dire, il pose Ita et va chercher l’alcool. Devant la bouteille à moitié vide, il jette un regard entendu à sa femme.
« Tu te trompes de cible, dit-elle. Je crois bien que Serga s’est mise à boire dans mon dos. » Elle semble agacée, mais peu soucieuse. Les adolescents restent des adolescents. Il est difficile d’accepter un corps auquel on est tout nouveau, surtout quand on n’est ni homme ni femme, mais un chaos d’impulsions dont on ne peut guère se débarrasser. Merthe serre les lèvres en se remémorant cette période de sa vie.
« Il n’y a pas d’autre femme, Ita. » Il s’assoit près d’elle à côté du foyer. « Samo et Elgir se sont séparés. J’ai promis à cette dernière que ses enfants ne mourraient pas de faim. Je chasse pour eux jusqu’à ce qu’elle se trouve un homme. Ça ne devrait pas prendre longtemps.
– Samo ne peut pas s’en charger ? Il a une responsabilité envers ces enfants !
– Il s’y refuse. Elle peut prendre du petit gibier, mais pas si elle doit traîner ses mioches.
– Tu exagères, non ? Je vois mal un homme rendre visite à ses enfants sans leur apporter quoi que ce soit…
– Il ne met plus les pieds chez Elgir.
– Ça, ce n’est pas juste ! Je comprends qu’on en veuille à quelqu’un, mais éloigner un homme de ses propres…
– Tu ne sais rien de rien ! » Merthe repose son verre en fronçant les sourcils ; il regrette d’avoir élevé la voix. « Je t’assure, Ita : ça va mal. Très mal.
– Raconte-moi, alors. » Tu ne me dis jamais rien. Leur vie commune lui permet d’entendre les mots informulés.
« Samo frappe les enfants. » Voilà qui retient l’attention de son épouse. Il résume la situation de son mieux, content qu’Ita soit enfin décidée à se taire et à écouter.
« Les pauvres, murmure-t-elle. Les pauvres gosses. »
Ensuite il tente de lui expliquer combien il en veut à Elgir d’avoir laissé les choses en arriver là.
« Tu ne peux pas juger. Tu ne sais pas ce qu’elle vivait…
– Et toi oui ? » Elle ne va pas tout de même pas le rendre responsable !
« Bien sûr que non. » Elle pose une main fraîche sur son front. Malgré sa rage, ce geste l’apaise. Moins ils discutent, mieux ils s’entendent. Dommage de ne pouvoir vivre ainsi, en silence. Parfois sa réticence à parler vient de là, du désir de cette camaraderie muette. Seuls les mots les dressent l’un contre l’autre.
L’heure de la Lutte venue, Merthe se répète que l’issue importe peu. Il essaie de croire à ce pieux mensonge, qu’il a déjà servi à Serga, avec la ferveur d’un enfant.
Il lace ses bottes et sort.
Une foule l’attend. Alors qu’il s’en approche, Elgir arrive sur la place par la gauche et se joint à lui. Ils font ensemble la dernière partie du parcours, les enfants d’Elgir accrochés à sa jupe.
« Comment vas-tu ? demande Merthe.
– C’est moi qui devrais poser cette question ! s’esclaffe-t-elle. Tu as peur ?
– Non. » Bizarrement, il dit vrai. Il est trop crispé pour avoir peur. « Tu penses toujours ce que tu racontais l’autre jour dans la forêt ? Que c’est une bonne idée d’échanger de temps à autre ? Ton corps de femme chéri t’a peut-être fait changer d’avis ? »
Elle éclate de rire. « Oui, je le pense. On est pris au piège dans ces corps. Dès l’enfance on apprend que la femme fait ci ou ça, et on reste dans le moule. On est aussi pitoyables que ces hommes et femmes du sud qui ne connaissent qu’un mode de vie, sauf qu’on n’a pas l’excuse de l’ignorance. Mais zut ! C’est bon de renifler les mioches avec ce nez-là, je te le concède. » Soudain il fait volte-face et ses enfants s’égosillent avant de détaler. De toute évidence, « renifler les mioches » est un jeu, pour eux.
Ils s’engagent sur la place, où une douzaine d’hommes acclament Merthe. Il se retourne vers Elgir qui hoche la tête pour lui indiquer qu’il peut la laisser : elle a récupéré ses deux bambins, qu’elle tient dans ses bras.
« Fais de ton mieux », dit-elle, les traits tirés.
S’il l’emporte, elle perd son chasseur.
Il salue tour à tour chacun des quatre piliers métalliques qui délimitent le terrain de Lutte. On les a fabriqués avec les vestiges d’un navire qui avait amené le Peuple du ciel. C’est du moins ce que prétendent les anciens. Il paraît impossible de voguer dans l’air. Néanmoins, on ne peut échanger les corps qu’au sein de ce périmètre, après la Lutte. Il y a des années, Merthe et Ita, comme tous les jeunes mariés, ont essayé de déjouer les règles. Ils n’ont récolté pour leurs efforts qu’une impuissance passagère et plusieurs heures de forte migraine.
Une impulsion le pousse à sauter sur le terrain de Lutte et à aller voir Ita avant le début du combat. Il fusille du regard l’arbitre qu’il met au défi d’élever une objection et prend sa femme à part.
« Nerveuse ? » lui demande-t-il.
Elle le toise d’un air soupçonneux. Il soupire, lui prend la main, la porte à ses lèvres pour poser un baiser sur la paume et voit ses yeux pétiller.
« Ce n’est qu’un jeu, Ita.
– Pour toi, oui. C’est pour ça que tu perds toujours. »
Il lui lâche la main, se tourne vers la foule de spectateurs. Certains viennent de villages où il n’a jamais mis les pieds. Il aimerait pouvoir se confier à sa femme, mais tout ce qu’il dirait se retournerait contre lui.
« Je m’inquiète pour Elgir, bredouille-t-il. Qui chassera pour elle une fois que je serai femme ? »
Ita sourit. Elle croit qu’il badine. « Je pense que tu seras capable de lui fournir de quoi préparer son ragoût pendant quelque temps.
– Vraiment ? Ça ne te dérangerait pas ?
– Tu parles sérieusement ? »
Inutile d’insister. Il gagne son coin pour se préparer.
Un roulement de tambour retentit. Les deux combattants se présentent devant l’arbitre. Merthe se demande s’il ne devrait pas imiter Elgir : encaisser les coups d’Ita et profiter d’une ouverture. Ce serait sans doute moins fatiguant que de se battre. Il a l’impression d’y avoir passé sa vie.
Mais non, s’avise-t-il alors, la Lutte n’a rien d’une simple dispute. Son talent d’orateur, pour ainsi dire, n’y joue aucun rôle. Comme les deux combattants doivent garder le silence, les piques d’Ita ne risquent pas de le blesser. Soudain, il se sent protégé par les quatre piliers. Une bonne demi-heure de silence l’attend, voire une heure s’il parvient à prolonger la rencontre. Il se languit d’une intimité délestée du fardeau des mots. Et il n’y a pas plus intime que la violence.
Les tambours se taisent ; la foule retient son souffle. Ita se met à sautiller et à lui décocher des directs, en tâchant de lui tourner autour et de le frapper quand il cille. Elle se déplace vite — excellente stratégie pour une femme — et s’efforce de déjouer sa garde.
Un poing passe, qui le prend au dépourvu. Chancelant, il recule. Non, la stratégie d’Elgir ne lui convient pas. Il a du sang dans la bouche. Il est censé rester planté là. Feindre de temps à autre, lire son adversaire, la flanquer au tapis d’un geste décisif. Les muscles qui lui donnent sa force absorbent son énergie. Contrairement à Ita, il ne peut pas sautiller sans cesse. Il est censé s’économiser au lieu de se donner à fond, et ne frapper qu’à coup sûr.
Mais il en a marre de ne faire que ce qu’il est censé faire. Elgir a peut-être raison : on est pris dans un motif, on vit sa vie selon un schéma, qui, pour l’homme, consiste à dépasser certaines limites — lever tel poids, jeter à telle distance. Et peut-être que suivre ce schéma entraîne un échec pitoyable, quand, à force de s’entendre répéter qu’un homme a moins d’endurance que sa femme, on finit par le croire.
Merthe se met à sautiller. Ses pieds savent comment. Les femmes se battent comme elles dansent ; c’est sa mère qui le lui a appris, et il a toujours été bon danseur.
Prise au dépourvu, Ita se fige et il en profite pour balancer un direct, mais elle l’esquive et se remet à sautiller aussi. Il adore sa technique, et l’imite ; ils se tournent autour. Merthe paraît l’enfant maladroit qui copie ses aînés en s’imaginant que l’élégance viendra de la seule imitation.
Ita ne sait pas comment frapper une cible mouvante. Il y a longtemps qu’elle n’a plus combattu un partenaire mobile.
Il a du mal à respirer ; elle semble à peine essoufflée. Puis elle commence à transpirer ; un point de côté le tenaille. Elle halète et titube ; alors que sa vision s’obscurcit, il découvre la brèche dans la garde de sa femme et il s’y engouffre.
Elle s’effondre. Il s’abat sur elle. L’espace d’une seconde, il se demande si elle va bien. Il a tout mis de lui dans son coup : amours, désirs, forces et faiblesses. C’était peut-être trop pour elle. Mais Ita gémit, se redresse tant bien que mal sur son séant, crache du sang et, dernière chose à laquelle il s’attendait, éclate de rire.
« Bon, tu m’as bien eue.
– Je suis désolé, dit-il.
– Tu parles ! Tu as gagné. »
Le gong retentit.
Elle vient se serrer contre lui, plaque ses paumes contre les siennes ; ils basculent dans la jouissance. L’esprit de sa femme monte en lui. L’espace d’une seconde, tous deux se retrouvent dans le corps de Merthe, tandis que le corps d’Ita reste inerte. Il s’y aventure. Les poutres ont-elles tenu dans ce château qu’il a quitté depuis si longtemps ? Merthe prend alors une inspiration qu’elle trouve d’une douceur ineffable. Elle sent la sueur mâle d’Ita près d’elle.
Mais non. Deux femmes ont besoin d’un chasseur, et un jeune androgène doit apprendre qu’être un homme n’a rien de terrible. Elle se réintroduit dans son ancien corps ; puis il en reprend le contrôle et repousse Ita dans le sien. Sa femme appréciait tellement sa forme féminine qu’il s’en voudrait de l’en priver. Et elle faisait un mari atroce, de toute façon.
Ita roule sur elle-même et le regarde d’un air incrédule.
« Vraiment ?
– Vraiment.
– Tu me quittes ! Tu pars avec elle ! »
Il lui faut un moment pour comprendre ce qu’elle a dit. Mais, bien sûr, elle ne voit pas comment quiconque voudrait être homme. La seule explication qu’elle envisage, c’est que Merthe compte refaire sa vie avec Elgir et qu’il lui faut un corps masculin dans cette optique.
« Je ne pars pas avec elle. » Il se garde bien de dire qu’il ne partira pas du tout, parce qu’il n’en sait trop rien. Il peut nourrir ces deux femmes et leurs enfants, mais il lui manque la force voulue pour supporter l’une ou l’autre. Passer du temps seul avec lui-même, dans le silence, voilà ce dont il a besoin. Et il a une idée de l’endroit qui lui conviendrait.
L’arbitre s’approche et hésite avant de signaler la fin de la transition. Les anciens s’agitent, mal à l’aise, puis haussent les épaules. Merthe a gagné : il agit à sa guise.
Cette nuit-là, on gratte à la porte du garde-manger.
« Ta mère sait que tu es là ? demande Merthe à Serga qui frissonne sur le seuil.
– Non. Je ne crois pas. Je crois qu’elle dormait. »
Il lale laisse entrer, pousse sa couette dans un coin et tire une pile de couvertures devant le foyer pour qu’eil y dorme. Eil tape des pieds en gagnant le lit. Merthe veille jusqu’à ce que les frissons cèdent la place à un souffle régulier et que seuls des cheveux d’enfants, et non plus des regards égarés, émergent d’entre les couvertures. Il réveillera Serga au petit matin pour lale renvoyer terminer sa nuit de sommeil dans la maison. Ita ne doit pas savoir qu’eil a trouvé du réconfort auprès de lui après leur séparation. Il ne sait peut-être pas ce qu’il veut, sinon qu’il refuse de la blesser. Qu’il puisse vivre avec elle, ça reste à déterminer.
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