Peter Galison est professeur d’Histoire des sciences et de physique à l’université d’Harvard. Il a publié plusieurs ouvrages dont How Experiments End (1987), Image and Logic (1997), Einstein’s Clocks, Poincaré’s Maps (2003), et Objectivity (avec L. Daston, 2007). Certains ont été traduits en français, tels que L’Empire du temps : les horloges d’Einstein et les cartes […]
Quand l’État écrit de la science-fiction
de Peter Galison
Peter Galison est professeur d’Histoire des sciences et de physique à l’université d’Harvard. Il a publié plusieurs ouvrages dont How Experiments End (1987), Image and Logic (1997), Einstein’s Clocks, Poincaré’s Maps (2003), et Objectivity (avec L. Daston, 2007). Certains ont été traduits en français, tels que L’Empire du temps : les horloges d’Einstein et les cartes de Poincaré, par Folio en 2006, et Objectivité, aux Presses du Réel en 2012. Au cours de sa carrière de chercheur, ses travaux ont été récompensés à plusieurs reprises. Il a reçu le John D. and Catherine T. MacArthur Foundation Fellowship ; le Pfizer Award en 1998 pour Image and Logic en tant que meilleur ouvrage d’histoire des sciences de l’année ; le prix Max Planck délivré par le Max Planck Gesellschaft und Humboldt Stiftung.
Il a également réalisé plusieurs films, dont Ultimate Weapon : The H-bomb Dilemma (avec Pamela Hogan, 44 minutes, 2000), Secrecy (avec Robb Moss, 81 minutes, 2008) et, plus récemment, Containment (avec Robb Moss, 80 minutes, 2015). Ce dernier film porte sur la nécessité de penser la gestion des déchets radioactifs sur une période d’au moins 10 000 ans dans le futur. Il prépare un nouvel ouvrage, Building Crashing Thinking, à propos du va-et-vient entre le soi et les technologies modernes.
Confrontés à la menace de la guerre, chaude et froide, les États-Unis et l’Union soviétique ont chacun de leur côté construit des armes nucléaires par dizaines de milliers. Ce processus, aussi anarchique que toxique, a laissé derrière lui de fortes concentrations de boue radioactive, comme tous les appareils et résidus ayant servi au cours du processus de fabrication des armes. À cet héritage, s’ajoutent les déchets issus de la production d’énergie nucléaire, notamment les barres de combustible usé contenant des pastilles d’uranium ; elles dégagent une telle chaleur radioactive que le simple fait de les toucher entraînerait une mort immédiate. Ce qui me fascine, c’est que ces déchets radioactifs, en raison de la menace qu’ils font peser, nous poussent à réfléchir à notre part de responsabilité dans un futur extrêmement lointain. Même si la question des déchets doit sans doute pouvoir être traitée au moyen des sciences et de la technologie, on est très rapidement confronté à la science-fiction.
Gregory Benford, dans un entretien que j’ai mené avec lui il y a quelques années, parle de 2001, l’Odyssée de l’espace, le film de Kubrick sorti en 1968, pour tenter de saisir ce qui se joue dans le rapport entre le temps, la science et la science-fiction :
J’ai le sentiment que la science-fiction fait partie des choses auxquelles la science a recours pour réfléchir à ce qu’elle est. Ce n’est pas un hasard si de nombreux textes de science-fiction sont écrits par des scientifiques, comme moi par exemple. Pour ma part, je me réfère toujours à la science-fiction pour parler d’idées qui, tôt ou tard, affecteront le monde réel. 2001 est par excellence le film des longues échelles de temps, parce qu’il a été conçu comme un message émanant d’un passé très ancien qui s’oriente vers le futur. Le film commence à l’aube de l’humanité, avec la métaphore de l’os jeté qui devient une arme, et se termine dans le futur, dans un intérieur XVIIIe qui, si je me souviens bien, est étrangement garni d’objets futuristes. Tous ces échos font des va-et-vient constants. »
(Galison et Moss, entretien avec Gregory Benford pour Containment, 20 novembre 2009)
Benford retrouve ce thème de la longue échelle temporelle dans Un cantique pour Leibowitz (1960) de Walter Miller Jr., un récit inspiré de l’époque où l’auteur avait participé en tant que mitrailleur à la destruction de Monte Cassino. La différence, c’est que l’histoire se déroule dans un futur post-apocalyptique où des prêtres catholiques (parmi les derniers survivants de cette civilisation) s’efforcent d’interpréter un message issu d’un passé très ancien. Benford explique : « Ils essaient de comprendre ce passé à partir d’artéfacts résiduels. Au fond, c’est un travail d’archéologue, mais transféré dans le futur. Comment considérerons-nous les archéologues du futur ? » – Si on peut encore parler d’archéologues.
Il y a cinq cents ans », poursuit Benford, « les archéologues n’existaient pas. C’était simplement des gens qui partaient voir les ruines de la Grèce et de l’Égypte ancienne, mais ça s’arrêtait là. Je suis convaincu que la manière dont la fiction aborde ces vastes perspectives peut nous éclairer sur les différentes façons de considérer cet avenir, qu’elles nous concernent… On ne peut pas s’attendre à ce que des messages issus d’un temps très ancien puissent être véritablement compris tels que nous les énonçons aujourd’hui. »
(Galison et Moss, entretien avec Gregory Benford pour Containment, 20 novembre 2009.)
En revanche, la science-fiction est sans doute à même de nous donner des clés pour réfléchir à l’avenir de notre héritage culturel et aux avertissements que nous laisserons à nos descendants. Je vous en dirai plus à ce sujet dans un moment.
À l’aube de la Guerre froide, en 1947, de nombreuses études prospectives sur la guerre ont été publiées – mais c’est le conflit en Corée, entre 1950 et 1953, qui a donné le coup d’envoi à cette incroyable mobilisation des forces armées, forces qui ne seraient plus jamais démobilisées. Dans cet état d’alerte permanent, les prédictions se poursuivent sans interruption. Commandant de l’Air Force américaine, Henry H. (Hap) Arnold fonde alors le « projet Rand », afin d’établir des prédictions sur une future guerre intercontinentale. Le projet sera intégré à Douglas Aircraft et débouchera peu après sur la création d’un des plus importants think-tanks à but non lucratif des États-Unis. L’un des premiers rapports publiés par la Rand est intitulé « Conception préliminaire d’un vaisseau spatial expérimental tournant autour de la Terre » (F. H. Clauser, Preliminary Design of An Experimental, World-Circling Spaceship. Rand Corporation Report, 2 mai 1946.).
Le titre du rapport Rand a beau faire penser à de la science-fiction, il n’en reste pas moins que dans les dix années qui ont suivi, cette conception préliminaire s’est transformée en un véritable programme de développement de satellites de reconnaissance. Ces documents prévisionnels ont pris des formes très diverses – allant d’études qualitatives à des prévisions mathématico-économiques. Mais au sein de ce nouveau corpus sur la guerre du futur, un nouvel imaginaire s’est imposé sous la forme d’un récit fragmentaire qu’on a appelé scénario. À mi-chemin entre une ébauche de récit et des jeux de guerre et de stratégie toujours plus sophistiqués, les scénarios se sont multipliés. Développé et popularisé par l’intellectuel stratège Herman Kahn (qui a inspiré le personnage du Dr Folamour de Kubrick), le scénario, une émanation de la théorie des jeux, est devenu la base de cette nouvelle futurologie. Kahn, à la fois célébré et décrié pour ses idées – le fait par exemple qu’on pouvait « survivre » à la guerre nucléaire même si celle-ci devait provoquer des millions de mort – a tenté d’expliquer aux hommes politiques, aux membres de la défense civile et aux chefs militaires qu’ils avaient tout intérêt à bien réfléchir à ce qui se passerait en cas de guerre thermonucléaire (Herman Kahn et Irwin Mann, « War Gaming », Rand Corporation Report, P-1167, 30 juillet 1957 ; Herman Kahn, On Thermonuclear War (Princeton : Princeton University Press, 1960) ; voir la remarquable étude sur Kahn de Sharon Ghamari-Tabrizi, The Worlds of Herman Kahn : the Intuitive Science of Thermonuclear War (Cambridge : Harvard University Press, 2005)).
Dans Thinking the Unthinkable [Penser l’impensable], titre d’un ouvrage paru en 1962, Kahn énonce ce qu’il entend par ce concept nouveau (ou du moins nouvellement employé) : « Le scénario résulte de la tentative de décrire de manière plus ou moins détaillée une séquence hypothétique d’événements. » Le scénario pouvait mettre l’accent sur un processus, celui d’une « histoire future » portant sur l’intensification d’un conflit armé, mais aussi sur l’expansion ou au contraire la contraction d’une guerre. De même, la forme brève et narrative du scénario permet d’enquêter sur une guerre limitée ou sur l’interruption d’un échange nucléaire. « Le scénario est une forme qui convient particulièrement bien au traitement plus ou moins simultané de divers aspects d’un problème ; on peut en retirer une ‘impression’ des événements et des points de bifurcation qui dépendent de choix critiques (Kahn, Thinking about the Unthinkable (Princeton : Princeton University Press, 1962), p. 143. Sur les premières prévisions économiques, voir Walter A. Friedman, Fortune Tellers : The Story of America’s First Economic Forecasters (Princeton : Princeton University Press, 2014).) ».
Si ces scénarios étaient nécessaires pour imaginer des futurs extrêmement destructeurs, c’est parce que l’histoire offrait de fait peu d’exemples sur lesquels nous appuyer. Kahn insiste : « Les guerres thermonucléaires ne sont pas simplement des événements indésirables ; ce sont, fort heureusement, des événements que nous n’avons jamais vécus ; de même que les crises qui nous menacent sont presque toutes sans précédent. » Pour Kahn, la méthode des scénarios présentait cinq avantages par rapport aux autres formes de prédiction (Kahn, Thinking about the Unthinkable, cité p. 143 ; five features, p.144.) : ils dramatisent des éléments du réel, obligent les planificateurs à se confronter à des détails essentiels, et, à la différence des modèles mathématiques, intègrent des éléments de psychologie, de sociologie, de stratégie politique et militaire. Par ailleurs, les scénarios se focalisaient sur des choix spécifiques – imaginant différentes fins à des crises réelles comme celles du Liban, de Suez ou de Berlin.
Par exemple, Kahn a imaginé un scénario où les Soviétiques lançaient une attaque nucléaire préventive contre les États-Unis, fondée sur une « victoire calculée ». Mais Kahn dit qu’il existait des impondérables – des difficultés susceptibles de survenir au moment où le Kremlin aurait décidé d’appuyer sur le bouton. Kahn imagine alors un dialogue tendu entre Nikita Khrouchtchev, l’un de ses généraux, ainsi que des Ukrainiens qui faisaient depuis longtemps l’objet d’une contestation. Dans cet échange totalement fantaisiste, Khrouchtchev dit : « … Je décrocherai le combiné du téléphone et je vous dirai ‘Feu !’ L’officier répondra : ‘Qu’avez-vous dit ?’ Alors, je répèterai : ‘Feu’. Et j’ajouterai : ‘Si vous ne faites pas feu, je vous plonge dans l’huile bouillante.’ Il me répondra : ‘Je vous ai bien entendu. Ne faites pas feu ! Merci beaucoup !’» (Kahn, Thinking about the Unthinkable, p. 152)
Nous avons ici trois caractéristiques du scénario nucléaire : d’abord, un environnement imaginaire apocalyptique, donnant à cette mini-narration un frisson de terreur ; ensuite, une pseudo-spécificité des références – qui se manifeste ici par le registre familier du dialogue ; et pour finir, une description caricaturale de la réalité, où un élément du monde est décrit jusqu’à ses limites asymptotiques. Ce genre de scénarios avait facilement tendance à se transformer en une sorte de théâtre d’improvisation (militaire). Un exemple : « L’incident est l’explosion d’une arme nucléaire sur une base aérienne stratégique près de Mobile, en Alabama, faisant 50 000 victimes. Outre les dégâts et le nombre de victimes estimé, le Président est informé des faits suivants : le lieu de l’explosion coïncide avec la thèse de l’accident ou du sabotage ; la probabilité selon laquelle il s’agirait d’une bombe ennemie est faible… » Les officiers et les hommes politiques se mettent à réfléchir à la façon dont ils réagiraient. Une fois encore – apocalypse, spécificité et caricature (Kahn, Thinking about the Unthinkable, p. 159).
La réécriture de l’histoire en scénario est devenue une autre manière de « gérer » la crise apparemment sans fin de la Guerre froide. Kahn a proposé à ses lecteurs une dizaine de scénarios de ce type, allant de l’Antiquité jusqu’à nos jours, intégrant même des épisodes bibliques et fictionnels. Bataille de Camlann du roi Arthur, Pearl Harbor, incendie du Reichstag… la liste est longue, chaque épisode se résumant à une ou deux phrases. Du blocus de Berlin à l’Armageddon biblique, le mélange des genres est vertigineux, mais après la crise des missiles de Cuba d’octobre 1962, ces scénarios ne sont pas dénués de pertinence (Kahn, Thinking about the Unthinkable, pp. 172-73). La crise des missiles a inspiré à Kahn d’autres scénarios – des « et si » à la fois non calculés, tactiques et provocateurs qui, tels une spirale, partaient d’un événement en Allemagne de l’Est pour arriver à l’impasse cubaine (Herman Kahn, On Escalation : Metaphors and Scenarios (New Brunswick, NJ : Transaction Press, 2010 [première publication : Præger, 1965]), par exemple pp. 34ff). La méthode du scénario de Kahn, à mi-chemin entre réalité et fiction, est devenue très populaire, et a inspiré certaines des plus grandes entreprises internationales. C’est ainsi qu’à la fin des années 1960 et au début des années 1970, Pierre Wack, familier de ces scénarios cataclysmiques, a adapté la méthode de Kahn pour mener une réflexion sur la production et la consommation de pétrole au sein de la Royal Dutch Shell. Les futurologues de Shell se sont mis à écrire de courtes fictions pour alerter l’opinion sur le fait que le pétrole, alors excédentaire, pourrait très facilement venir à manquer et donner ainsi l’occasion aux pays du Golfe de limiter la production pour se retrouver en position de force (Pierre Wack. « Scenarios : Uncharted Waters Ahead », Harvard Business Review, septembre-octobre 1985 ; suivi de « Scenarios : Shooting the Rapids », Harvard Business Review, novembre-décembre 1985. Sur les scénarios d’entreprise voir aussi Kees van der Heijden, Scenarios. The Art of Strategic Conversation, 2nde édition. (West Sussex, UK : John Wiley and Sons, 2005)).
Avec les années, Shell a augmenté l’effectif de ses futurologues, intégrant de plus en plus les créations de leurs scénaristes dans les prises de décision managériales. C’est ainsi qu’en 2014, tout le monde pouvait voir sur le site internet de Shell un film illustrant deux scénarios possibles sur l’avenir énergétique à l’horizon 2050. Le premier est intitulé « Scramble » (Bousculade) – le mauvais futur, réactif – et l’autre « Blueprints » (Plans directeurs) – le bon futur, prudentiel. Dans « Scramble », qui est une mise en garde, l’accent est mis sur le rendement énergétique ; les « mesures finalement prises » par le gouvernement conduisent à une législation et à une politique « instinctives », sans vision à long terme. Les entreprises de construction ne peuvent pas s’adapter assez vite aux normes imposées, ce qui se traduit par une réduction de seulement 15 % des ressources énergétiques. Dans « Blueprints » au contraire, la voie à suivre, mûrement réfléchie et systématique, s’accompagne d’une production de 60 % d’énergie renouvelable. À la fin des années 1960, les futurologues s’étaient bien introduits dans l’univers de la prédiction industrielle, non seulement chez Shell, mais aussi dans un bon nombre d’entreprises internationales, à la NASA, ainsi qu’au côté des planificateurs militaires spécialisés dans le nucléaire.
Un autre type de problème lié au nucléaire fut également dévoilé : que faire de l’immense quantité d’armes nucléaires et de déchets issus de ces énergies qui s’accumulent depuis le début de la Seconde guerre mondiale ? Par exemple, le plutonium (dont la demi-vie est de 24 100 ans) avait une durée de vie beaucoup plus longue que l’âge même de la civilisation humaine. En 1957, et conformément à la recommandation de l’Académie nationale des sciences, un consensus scientifique et politique s’est imposé sur la nécessité d’enfouir ces déchets liés à la production d’armes – sans parler de ceux du nucléaire civil – dans un dépôt minier souterrain très profond et de préférence dans du sel, lequel recouvrirait et isolerait durablement les matières enfouies. Après plusieurs décennies de batailles politiques et de négociations en coulisse, le département de l’Énergie (DOE) a finalement opté pour un site dans le sud-est du Nouveau-Mexique, à une quarantaine de kilomètres de Carlsbad. Mais avant de donner l’autorisation d’ouvrir le site de stockage, le Congrès a exigé, en accord avec l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA), que le DŒ présente un projet qui dissuade un public non averti de s’approcher trop près du site. Évidemment, la période de cette mise en garde devait être proportionnelle au degré de dangerosité de ces matériaux. Or, contrairement à ce qui se passe avec la plupart des produits chimiques, qui se décomposent avec le temps, la dangerosité du plutonium et autres déchets transuraniens devait être évaluée selon des échelles temporelles extrêmement longues. L’EPA a donc fixé cette période à 10 000 ans, un temps suffisamment long pour anticiper la question de la stabilité géologique de la roche, et suffisamment court (pour ainsi dire) par rapport à l’histoire de l’humanité.
Donc pour s’adresser à un futur très lointain, un futur de 10 000 ans, à qui feriez-vous appel ? Le département de l’Énergie, via les laboratoires Sandia pour les armes nucléaires situés dans la base de l’armée de l’air de Kirtland près d’Albuquerque dans le Nouveau-Mexique, a fait appel à des futurologues comme Theodore J. Gordon. Gordon avait déjà rédigé des études prospectives et interplanétaires pour la NASA (et avait été le principal ingénieur des étages supérieurs de Saturn V) ; il avait également réalisé des études prospectives pour la Rand Corporation et créé sa propre société, The Futures Group, pour proposer ses compétences auprès d’entreprises variées. Mentionnons qu’il était également l’éditeur d’Ahead of Time (1972), un texte de l’auteur de science-fiction Harry Harrison – et qu’il a contribué à un ouvrage intitulé Requirements for Communication with a Naïve Recipient (Harry Harrison et Theodore J. Gordon, éds., Ahead of Time : Noted Scientists Prove That Truth Can Be Stranger Than Fiction. New York : Doubleday, 1972).
Gordon et son « groupe de Boston » – dont le sociologue et futurologue de Yale Wendell Bell – se sont mis à écrire des scénarios d’anticipation où, dans un futur très lointain, des individus pénétraient sur le site d’enfouissement des déchets. S’ils parvenaient à imaginer les différentes façons de pénétrer sur le site, peut-être réussiraient-ils, grâce à un monument, à empêcher ce scénario de se produire. Pour les créateurs de ce monument, il y avait quatre grandes contraintes : il devait résister au temps ; il devait être intelligible ; il fallait qu’on comprenne qu’il s’agissait d’un avertissement ; et il fallait faire en sorte que cet avertissement puisse être respecté. Les scénaristes ont concentré un bon nombre de leurs hypothèses sur des histoires où le monument résistait au temps et était même compris – mais ce n’était pas crédible.
Le sociologue Bell, principal auteur de ces scénarios, avait été pilote de la marine dans le Pacifique à la fin de la Seconde guerre mondiale. Horrifié par le comportement brutal de l’armée d’occupation, il avait décidé, après ses études, de poursuivre une carrière de consultant dans les nouveaux États post-coloniaux, notamment dans les Caraïbes, pour accompagner leurs projets d’avenir. À Yale, dans les années 1960, il a activement participé à la création d’un programme d’études afro-américaines et milité pour l’ouverture de l’Université aux femmes. Si Bell et Gordon ont soutenu ces mouvements de libération sociale, ils ne sont pas allés jusqu’à remettre en cause la validité épistémologique des sciences. À leur époque en 1989, les deux hommes, ainsi que les autres membres de leur groupe, étaient convaincus que ces mouvements rejetaient l’autorité de la science.
Voici comment les scénaristes du Waste Isolation Pilot Plant (WIPP) définissaient leur tâche : « Qu’est-ce qui, socialement, individuellement ou collectivement pourrait motiver des personnes à pénétrer sur le site du WIPP… ? Nous devons tenir compte de tous ces facteurs pour que les équipes de repérage puissent concevoir une liste exhaustive d’éléments pour le signifier… Penser l’impensable fait partie de notre mission. » Ces scénarios étaient inspirés de ceux de Kahn. Même l’expression « penser l’impensable » faisait écho aux scénarios de guerres nucléaires – c’était, comme nous l’avons vu, le titre d’un des ouvrages les plus discutés de Kahn et dans lequel il avait popularisé sa méthodes des scénarios. Comme Kahn, les auteurs expliquaient que leurs réflexions étaient des déductions à partir d’évolutions et de tendances observables. « Il apparaît toutefois que les scénarios sont peut-être moins impensables qu’on pourrait le croire à première vue. Chacun s’inspire de développements dont il existe déjà des éléments précurseurs, allant de la théorie féministe et des positions post- et anti- positivistes à la simple intelligence artificielle, en passant par les ‘virus’ informatiques et les voyages dans l’espace. Les références indiquées sont authentiques et attirent l’attention sur ces éléments précurseurs » (Stephen C. Hora, Detlof von Winterfeldt, Kathleen M. Trauth, « Expert Judgment on Inadvertent Human Intrusion into the Waste Isolation Pilot Plant », Rapport Sandia SAND-90-3063, 1991, C-38).
Les scénarios d’anticipation rédigés par le groupe de Boston n’étaient pas l’unique forme de prédiction – il existait aussi des simulations quantitatives, par exemple. Mais, pris ensemble, les dix scénarios de l’équipe de Boston, situés entre l’année 2091 et le 13e millénaire dans le Sud-ouest, donnent une sorte de cadre global aux types d’angoisses qui tourmentaient les futurologues financés par l’État pour explorer le paysage culturel. Tous les scénarios s’appuyaient sur des tendances de l’époque et les extrapolaient jusqu’à leurs limites asymptotiques. Et tous les scénarios (ou plutôt, tous sauf un) se concluaient par une catastrophe nucléaire. Mais chacun comportait une spécificité narrative : « Ces scénarios sont assez détaillés et imaginent des événements et des individus spécifiques. Mais cela ne remet pas nécessairement en cause l’utilité de ces scénarios. La spécificité est utile pour donner une certaine crédibilité au cadre général. »
Le premier scénario figurant parmi les grandes menaces à craindre dans le futur était, chose étonnante, intitulé : « Un monde féministe, 2091 ». « Par la violence de leurs actes, les hommes ont quasiment détruit la civilisation humaine. » Les femmes ont décidé d’avoir plus de filles que de garçons, et toutes les valeurs associées à la masculinité – la « pensée abstraite et analytique », la « quantification, l’objectivité, l’universalité, la domination, la répression et la manipulation technique » – sont tombées dans le discrédit. Faisant explicitement référence aux ouvrages de Roslyn Bologh Love or Greatness : Max Weber and Masculine Thinking, a Feminist Inquiry (1990), de Sandra Harding The Science Question in Feminism (1986) et de Linda Nicholson Feminism / Postmodernism (1989), le groupe de Boston exprimait dans sa prophétie sa crainte de voir la « théorie de l’émancipation, l’éros, la particularité, le développement de la conscience de soi, l’interprétativisme et la prise de décision éthique » éclipser les formes essentielles de la pensée. La conclusion de ce scénario caricatural était que d’ici une centaine d’années, ces courants pouvaient devenir dominants ; le « cartel féministe et alternatif du potassium » qui serait susceptible de découvrir le marquage du monument le comprendrait peut-être, mais n’y croirait pas. « Croyant y trouver du potassium, ils exploitèrent le site et pénétrèrent par mégarde dans une salle de traitement, provoquant une fuite des radionucléides dans l’environnement » (SAND-90, pp. C-39, 40).
Si les épistémologues féministes constituaient la plus grande menace, un autre danger venait des philosophes, des historiens des sciences et d’autres universitaires. Une secte surnommée les « Markuhniens » (un terme hybride formé à partir d’Herbert Marcuse, auteur de L’Homme unidimensionnel [1964] et de Thomas S. Kuhn, auteur de La structure des révolutions scientifiques [1962]) avait cessé de croire en la « science positiviste ». Conforté par les textes fondateurs de Paul Feyerabend (Contre la méthode. Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance [1975]), d’Imre Lakatos (Le problème de la logique inductive [1968]) et d’autres, ce mouvement religieux était fidèle à l’idée que la description de la réalité dépendait simplement du « point de vue, des intérêts, de la position sociale, d’anciennes valeurs et croyances de l’individu ». Essentiellement subjectivistes et relativistes, les Markuhniens « glorifiaient leurs points de vue primaires sur l’intuition et la vision » pour connaître le monde, et accusaient la science établie d’être responsable des effets désastreux des armes nucléaires, de son traitement irresponsable des déchets radioactifs, de l’énergie nucléaire et d’autres excès causés par les grands projets scientifiques, comme le Supercollisionneur supraconducteur. Croyant que des parchemins révélatoires avaient été enterrés dans la zone, l’un des meneurs de la secte, inspiré de James Jones, emmenait avec lui une équipe pour fouiller le sol. L’entreprise se terminait tragiquement avec le jaillissement d’un geyser d’eau radioactive sur l’ancien site de déchets (SAND-90, pp. C-42-44, citations pp. C-43, C-44).
Les scénarios combinaient toujours ces trois éléments – apocalypse, spécificité, caricature : « Trésor enfoui » montre des chercheurs d’or mexicains convaincus que les marqueurs indiquent la présence d’un trésor ; « Un virus détraque la population robotisée » décrit des robots échappant au contrôle de leur autorité programmée ; une usine automobile japonaise s’établit à Roswell dans le Nouveau-Mexique… Toutes les menaces ressenties pendant la dernière année de la Guerre froide étaient concentrées dans ces cauchemars éveillés – immigration, féministes, guerres scientifiques, économies étrangères, technologie incontrôlable. Il n’existait qu’un seul récit menant au Salut, que Bell tenait à inclure, même si leur mission était d’explorer les scénarios d’échec. Dans ce scénario, qui est le seul à se terminer comme un film hollywoodien, le gouvernement a eu l’intelligence d’édifier un parc de jeux à l’emplacement même du site de déchets, afin que la mémoire du site reste forte et se transmette de génération en génération, même quand la roche sera devenue poussière. Volontairement créé comme un mythe, le personnage de Nickey Nuke (un mélange de Mickey Mouse, de Smokey Bear et d’Adam et Eve) reste là pour mener à bien sa mission, celle de mettre en garde chaque génération d’enfants : Ne creusez pas ici. N’oubliez jamais le danger qu’il y a dessous.
Dans un entretien, Ted Gordon a fait remarquer que le mot scénario appartient au registre du cinéma, désignant une sorte de trame narrative. Même si son étymologie remonte au XVe siècle, sa connotation moderne évoque bien les années 1950. Par la suite, le scénario a souvent été associé à l’idée de catastrophe, jusqu’à ce que quelque chose, dans sa récente réactivation au moment des catastrophes nucléaires, le vide de sa substance, et cela malgré son caractère par moments spécifique. C’est peut-être ce qui explique pourquoi, au Japon, beaucoup ont jugé que la description la plus saisissante d’Hiroshima était moins dans les mots d’écrivains comme John Hersey que dans les images de l’auteur de bandes dessinées japonais, témoin d’Hiroshima lorsqu’il était enfant, Keiji Nakazawa. Dans Je l’ai vu (1972), les images de Nakazawa sont tout sauf photo-réalistes
Sur Keiji Nakazawa, voir le remarquable ouvrage de Hillary Chute, Disaster Drawn : Visual Witness, Comics, and the Documentary Form (Cambridge : Harvard University Press, 2015).
. C’est ainsi que le scénario moderne du futur est né, restant d’une certaine manière dans l’ombre de la catastrophe nucléaire, même s’il s’est étendu aux grands bouleversements économiques imaginés par Shell, ou aux éventuelles intrusions sur les sites d’enfouissement nucléaire dans le futur millénaire.
C’était ça, la science-fiction d’État. En dehors de l’échelle temporelle normale, il y avait le problème que le département de l’Énergie avait soumis à Gregory Benford – certainement parce qu’il était un auteur de science-fiction scientifiquement crédible, qu’il avait obtenu le prix Nebula, et qu’il s’intéressait à la fois au nucléaire et au temps. Né au mois de janvier 1941, Benford avait passé une partie de son enfance (1949-51) dans le Japon occupé, où son père travaillait dans l’état-major du général MacArthur (Gregory Benford, « Evil and Me », septembre 2009, http://www.challzine.net/30/30evil.html)>. La première guerre nucléaire, qui s’était accompagnée d’une reconfiguration radicale du monde et de la preuve qu’on pouvait fabriquer des armes de destruction massive, chose jusque-là inimaginable, a mis le jeune Benford sur la voie de la science-fiction. Plusieurs décennies après, Benford conduisait encore un véhicule immatriculé PU239.
La vie dans le Japon occupé m’a montré qu’une ancienne civilisation peut malgré tout être le siège d’un nouvel événement majeur qui transforme le cours du monde. Être témoin de la collision de ces deux choses est lourd de conséquences, parce que, comme on le dit en physique, le futur est non linéaire – ce qui signifie qu’on ne sait pas du tout ce qui ressortira de ces grands événements. Et c’est pour cela que je me suis intéressé de près aux effets de la bombe sur les Japonais. Et aussi sur le monde. Les Japonais ont toujours eu le plus profond respect pour la puissance des armes ; en revanche, ils ont toujours été très hostiles au militarisme. Et MacArthur, parce qu’il a parfaitement su traiter avec les Japonais, a réussi à rapidement reconstruire un Japon totalement moderne. Il a lui-même rédigé à la main la nouvelle Constitution au dernier étage du bâtiment de Dai Ichi. Mon père l’a vu faire. Pour moi, c’était quelque chose de très fort. On pouvait modifier le monde en profondeur avec quelque chose de nouveau, et c’est ça qui m’a conduit à m’intéresser à la science-fiction.
(Galison et Moss, entretien avec Gregory Benford pour Containment, 6 novembre 2012.)
Étonnamment, le roman le plus célèbre de Benford, Un paysage du temps (1980), décrit un va-et-vient entre le passé (les mois délicats qui ont précédé l’assassinat de JFK) et le futur (l’imminent collapsus écologique en 1998). Ce livre porte sur le fait de transmettre des signaux d’une époque à une autre en communiquant, grâce à des tachyons, des messages venus du futur (1998) dans le passé (1962) pour alerter l’opinion sur les événements à venir. Dans son laboratoire de l’Université de Californie à San Diego, le jeune scientifique Gordon Bernstein est tourmenté par les messages fragmentés qu’il parvient à prélever de son antimoniure d’indium (Benford, Timescape (New York : Bantam, 1980 ; édition française : Denoël, 1982)).
Quand, en 1990, les laboratoires Sandia ont fait appel à Benford pour lui demander de rejoindre les membres de l’équipe chargée d’élaborer un marquage du site d’enfouissement des déchets nucléaires pour les générations à venir, un marquage qui soit compréhensible dans 10 000 ans, celui-ci entrait dans un territoire qui lui était à la fois peu et très familier : très familier de par ses explorations dans l’univers de la science-fiction, et peu familier dans la mesure où c’était la première fois qu’un projet scientifique de plusieurs milliards de dollars demandait une telle prédiction. Dans une section de ce rapport, Benford se lança dans un registre purement fictionnel : « Zzyg leva les yeux des oculaires du scanner visuel du navire de recherche orbitant autour du monde bleu-vert et dit : ‘Il semblerait qu’une autre race pré-consciente ne soit pas parvenue jusqu’à son ère atomique. Cela fait trois fois que ça arrive pendant ce voyage, et nous n’avons parcouru que soixante-quinze années-lumière’. Il soupira et, avec sa troisième vrille gauche, il essuya une larme de son œil central. » Suivant l’une des lois souvent citées d’Arthur C. Clarke, pour qui toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie, Benford voulait explorer ces zones de danger pas si avancées que ça dans notre avenir technologique, car la technologie soi-disant magique n’inquiétait pas Benford. Ce qu’il craignait, c’était une situation où la société du futur soit suffisamment avancée pour trouver le moyen de s’introduire dans le site de stockage, mais pas suffisamment avancée pour éviter la fuite qui ne manquerait pas de se produire (SAND-90, Expert Judgment, p. D24).
Benford a imaginé un département de l’Énergie de quasi science-fiction, où des robots intelligents, des « mineurs de môles » comme il les appelle, fendent la roche grâce à une source d’énergie passant à travers des câbles souples ou peut-être à une source interne. Des faisceaux d’électrons se fraient un chemin dans la roche, leur trajectoire se voyant à travers des pulsations acoustiques générées par un tomodensitogramme, et communiquent avec leurs maîtres de manière sismographique. Comme les mineurs de môles viennent du dessous, ils n’arrivent jamais au niveau des marqueurs de surface. Benford a alors imaginé que des disques de granit apparaîtraient sur des sondes acoustiques, soit des marqueurs magnétiques enfouis pour attirer l’attention sur des relevés compas, soit des marqueurs radioactifs. En effet, les marqueurs enfouis continuaient à fonctionner, même « après que tous les marqueurs de surface eurent disparu suite à l’érosion, à des actes de vandalisme ou à une catastrophe » (SAND-90, Expert Judgment, pp. D24-D26).
Dans le film Containment (2015), présenté au festival des arts du steirischer herbst avec l’installation Landscape of Stopped Time (2015), Robb Moss et moi-même nous sommes confrontés au problème d’une temporalité perturbée par les matières nucléaires. Tout d’un coup, il apparaissait que même une maison familiale du bourg de Namie, vieille de 300 ans, ne pouvait pas lutter face à la lente décomposition des radio-isotopes. Ces temporalités incommensurables hantent aussi bien les experts que les simples citoyens vivant à proximité des zones contaminées. Déambulant au milieu de sa ville désertée, une femme originaire de la région de Fukushima a dit : « Voici à quoi ressemble le temps quand il s’arrête. »
Mais peut-être le plus grand défi auquel Robb Moss et moi-même avons dû faire face en réalisant ce film était de trouver une manière de décrire cette étrange forme de narration contemporaine. Pour ce qui était des projets de monuments, nous avons pu, grâce à notre animateur 3D David Lobser, amplifier et animer les maquettes conçues par les planificateurs pour le futur site de stockage. En revanche, les scénarios résistent à l’animation traditionnelle en mouvement continu, et encore plus à la description d’actions tournées en direct. Dans la réalité fragmentée et vacillante de ce scénario, il est impossible d’obtenir une texture à trois dimensions, nous n’en avons qu’un aperçu – une représentation totale et exhaustive dans l’espace et le temps aurait complètement déformé toute idée de futur conditionnel. Alors comment en donner une représentation cinématographique ? Après de nombreuses expérimentations, il nous a semblé qu’il était plus pertinent de recourir à une forme artistique qui à la fois retient et dévoile – une séquence de roman graphique. Grâce à la participation de l’auteur de bande dessinée Peter Kuper – son album Metamorphosis (2004) ainsi que l’anthologie de ses comics de science-fiction World War III Illustrated nous semblaient adopter le ton juste –, nous avons amorcé un long va-et-vient temporel qui culmine avec les cadrages en 2D reconstituant les scénarios d’intrusion nucléaire de 1989.
Ci-dessus : Spike Fields, image de Galison et Moss, « Containment » (2015) et « Landscape of Stopped Time », (2015) – extraites du film d’animation 3D Maya, David Lobser ; image graphique en 2D, Peter Kuper.
À travers ce film, nous avons voulu croiser trois manières différentes de filmer, chacune prenant la mesure de ces longues échelles temporelles : observationnelle (le travail et la vie quotidienne sur trois sites radioactifs), analytique (à travers des entretiens avec des intervenants clés), et futuriste (par le biais de différents types d’animation). Ce film porte sur notre devoir de gouvernance de l’espace et du temps dans un univers de demi-vies quasi éternelles.
J’ajouterais une dernière chose. Le Waste Isolation Pilot Plant, installé dans la commune de Carlsbad au Nouveau-Mexique, a été conçu pour « résister et durer » dix millénaires – c’est-à-dire, jusqu’à 11 991 au moins. Mais nous aurions peut-être aussi besoin d’un autre scénario, ou d’un millier de petits scénarios sordides, pour empêcher que ne se produise la grande catastrophe d’un échange d’armes nucléaires apocalyptique qui mettrait subitement fin à la civilisation. Tard dans la soirée de la Saint-Valentin de l’année 2014, un incident souterrain s’est produit. À cause d’un mélange inadéquat de litière organique pour chat et de sels radioactifs, de l’air contenant des particules radioactives s’est échappé de la mine de sel ; bien qu’en faible quantité, des isotopes transuraniens ont été détectés sur vingt-et-un employés.
Les matières nucléaires, la méthode du scénario et la science-fiction sont imbriquées. Chaque élément pris séparément semble nous précipiter dans un domaine de pensée qui dépasse ce que nous sommes en mesure de contrôler au quotidien. Car nous sommes face à un mélange de réalité et d’imaginaire qui excède nos capacités : des explosions dont les effets sont inimaginables, des guerres qui menacent notre civilisation, des échelles temporelles qui vont au-delà de celle de notre histoire, des moments décisifs dont les conséquences sont impossibles à décrire. Il peut être difficile d’imaginer notre monde dans l’ici et maintenant loin des sombres délices d’un futur infini et infiniment exagéré. Une chose aussi prosaïque que les déchets nucléaires a pourtant conduit l’État à penser avec la science-fiction.
par Peter Galison
publié dans N° 12
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